C'est en autobus que s'effectue mon trajet de Siem Reap vers Phnom Penh, en un peu plus de six heures de route. C'est ce matin-là que je choisis pour être malade (ça fait partie du voyage, surtout lorsqu'on part longtemps, rien de grave)... Incapable de manger au petit-déjeuner, mal de coeur bien en place. Je suis verte, le personnel de l'hôtel comprend que je suis malade, mais cela ne les empêche pas de courir après moi pour s'assurer que j'écrive un commentaire positif sur TripAdvisor (je n'ai toujours pas complété cette tâche à ce jour d'ailleurs). Bref, cela fait maintenant partie du voyage aussi, se faire solliciter pour des commentaires positifs sur TripAdvisor. Je prends des Gravol en me croisant les doigts pour que ça passe. En respirant profondément pendant tout le trajet et en regardant à l'extérieur, ça été - ouf! Le long de la route, je vois (encore) les fameuses vaches blanches, toutes très maigres. De nombreuses rizières. Des habitations, pour la plupart de fortune. Les gens vivent dehors. Près des étendues d'eau, des poissons sèchent au soleil, le chauffeur s'arrête d'ailleurs à un certain moment pour en acheter. Soyez avertis que dans les haltes routières, la propreté ne correspond pas aux normes que nous connaissons (malgré qu'avec l'état des haltes routières au Québec... on pourrait avoir en tête quelques similitudes) - mais cela pour dire de toujours avoir avec vous des mouchoirs et du nettoyant pour les mains! L'état de la route est somme toute très bon, j'en suis agréablement surprise, je m'attendais franchement à pire.
C'est avec soulagement qu'apparaît la capitale à l'horizon. Quelques gratte-ciels, somme toute modestes si on compare avec les autres grandes cités asiatiques, mais je suis surprise de constater la quantité de grues à l'horizon, c'est en plein essor ici! Ce qui m'apparaît un bidonville est aux abords de l'entrée de la ville et, non loin, se trouvent des habitations neuves entourées de murs de protection (côté architectural, on repassera... ce sont des condos ou des maisons de ville similaires les uns aux autres, on me dira plus tard que ce sont principalement des chinois qui s'y installent). En entrant dans la ville, en roulant sur ce qu'on pourrait presque qualifier d'autoroute, un troupeau de vaches traverse au milieu des voitures, des scooters et des tuk tuk. C'est plutôt chaotique, mais je dois dire... que ça me plaît beaucoup! Ça, c'est du dépaysement. Des amas de fils électriques, des klaxons, de la fumée, des commerces - autant des comptoirs de rue que certains commerces plus haut-de-gamme, des affiches en français même parfois (le Cambodge fait partie d'une ancienne colonie français et une importante communauté francophone y vit), un parc, certains bâtiments dont l'architecture semble intéressante, aussi. Il y a des feux de circulation à certains coins de rue. Bon, tout devrait bien aller!
Malgré que je sois tout près de mon hôtel à l'arrivée de l'autobus, je prends un tuk tuk car je ne me sens pas forte et traîner mes sacs seule dans des rues inconnues risque d'être périlleux. Il fait également très chaud. Nous sommes en fin de journée. Je me repose à l'hôtel. Je me rappelle de mon expérience à Siem Reap lors de ma première soirée, mais surtout, vaut mieux me soigner et dormir pour arriver à faire quelque chose de constructif le lendemain!
Guerre, génocide et visite de la ville
C'est sur le web que je déniche un chauffeur de tuk tuk pour m'accompagner lors de ma première journée à Phnom Penh. Attention, les chauffeurs sur la rue sont on ne peut plus insistants et parfois font des arrêts à des endroits que l'on ne voudrait pas (stands à souvenirs, bureaux de change douteux, notamment). Aussi, si on prend un tuk tuk ne serait-ce que quelques instants pour se rendre d'un point A au point B, c'est clair qu'on essaiera de nous vendre des activités pour le lendemain. Finalement, ayez toujours en main des petites coupures, car les chauffeurs semblent ne jamais avoir ce qu'il faut pour nous rendre la monnaie. Pour 25$US, j'ai un chauffeur pour la journée, qui s'avère franchement très aimable, souriant, parlant un anglais correct (sans être guide officiel, il me fait plusieurs commentaires et connaît bien l'histoire de sa ville), affable et qui n'a pas essayé de me vendre toutes sortes de choses. Ça tombe bien, car je vais visiter des sites sur les horreurs vécues au Cambodge et je n'ai pas envie d'avoir un vendeur devant moi.
Premier arrêt, la prison S-21. Cet ancien lycée fut utilisé à titre de prison sous le régime des khmers rouges de Pol Pot (totalitaire communiste). En fait, les salles de classe furent utilisées par des êtres humains, afin de faire vivre à d'autres être humains, les horreurs les plus atroces. Il faut impérativement prendre l'audioguide afin de bien comprendre l'ampleur de ce qui s'est passé entre ces murs. Les photos sont explicites, l'ambiance est lourde, mais l'audioguide est très bien fait. L'ambiance est au recueillement. Ici, je ne recommande pas de prendre un guide, l'audioguide fait mieux le travail, puisqu'il comporte non seulement l'histoire de l'endroit, mais également des témoignages. Certaines personnes essuient une larme. À certains moments, je suis sortie des salles pour mieux assimiler le tout sans avoir les photos ou les appareils utilisés pour la torture devant les yeux. J'écris ces lignes et j'en suis émue, encore. Lors de ma visite toutefois, je réussis à retenir mes larmes et mes hauts de coeur. J'ai vu certains touristes amener leurs enfants. Mon avis? Ce n'est pas du tout pour les enfants. Je n'ai pas de photographies, je ne sais bien pas ce que j'aurais pu photographier de constructif, c'est un lieu de mémoire et de recueillement. Les personnes visées par la torture des khmers rouges (outre pour des raisons purement politiques), étaient: toute personne portant des lunettes ou ayant de belles mains tenues à l'écart du travail manuel, les avocats, les intellectuels, les artistes, les enseignants, etc... Avoir vécu à cette époque (soit entre 1975 et 1978), j'y serais certainement passée. La plupart des gens lisant ces lignes aussi, fort probablement.
Ensuite, nous nous rendons vers les "killing fields". On n'avait techniquement pas le droit de mourir à la prison S-21. Pour mourir, les khmers rouges nous amenaient aux "killing fields" pour exécution immédiate, ou presque. Parfois, les khmers rouges étaient débordés et faisaient attendre les gens, amassés dans un bâtiment bancal sans lumière, sans nourriture et sans eau pour de longues heures avant la fin. Bébés, enfants, femmes, hommes, rien ne faisait pitié aux bourreaux. Les dépouilles étaient entassés dans des charniers. Ceux-ci ont été découverts après la tombée du régime. Encore une fois, ce lieu en est un de recueillement, complètement en plein air cette fois, et il faut absolument écouter l'audioguide comportant l'histoire du site, de nombreux témoignages et même de la musique. Pour être franche, je n'ai pas été capable d'entendre tous les témoignages, c'est vraiment très dur. J'ai passé une heure et quart sur le site et j'en avais assez, mais si on écoute vraiment tout, cela prend environ deux heures. Chaque mois, on amasse encore des morceaux de tissus et des ossements qui remontent à la surface de la terre. Le tout fait réfléchir. Comment peut-on se rendre là? Quand je pense au racisme qui sévit un peu partout dans le monde, même dans mon propre pays parfois, je me dis que plusieurs personnes auraient avantage à en connaître plus sur l'histoire de certaines parties de notre planète. Qui sait, peut-être que cela pourrait les rendre un peu plus tolérants et ouverts aux autres.
J'allais oublier. Pour se rendre aux "killing fields", il faut sortir de la ville, cela prend au moins trente à quarante-cinq minutes en tuk tuk. Mon chauffeur a pris un petit détour au lieu de la grande route pour me montrer comment les gens vivent et je lui en suis reconnaissante, car je ne serais jamais allée là seule. C'est pauvre et encore une fois, j'oserais presque qualifier le quartier traversé de bidonville, par segments. Toutefois, les gens ne semblent pas souffrir de malnutrition et les enfants s'amusent (c'est un jour férié). C'est tellement sale aussi. Les routes ne sont pas asphaltées, cahoteuses. Des déchets partout (il y en a beaucoup au Cambodge, vraiment), dont certains amoncellements que les habitants font brûler. C'est extrêmement pollué. Difficile de juger. Les gens n'ont rien, alors l'éducation à l'environnement, j'imagine que cela peut devenir bien secondaire. Il peut être intéressant également de savoir que le même parti est au pouvoir depuis 40 ans au Cambodge (c'est ma guide de Siem Reap qui m'avait souligné ce fait important). Techniquement, le Cambodge est un pays démocratique, mais en pratique, rien n'est moins sûr... peut-être ce gouvernement n'a-t-il pas l'environnement dans ses priorités premières, donc. Difficile de mettre la pollution sur le dos de la population, qui en majorité, peine à tirer son épingle du jeu et ne reçoit pas d'éducation adéquate. C'est d'ailleurs très récent que les enfants ne se font plus donner de corrections corporelles lorsque les règles ne sont pas respectées à l'école. J'ai toutefois vu une mère donner un coup de branche d'arbre à son enfant qui traînait trop de la patte derrière elle...
Après tout cela, je trouve que j'en ai vu beaucoup. Trop? Non, je ne crois pas. J'ai lu plusieurs blogueurs écrire qu'ils n'avaient pas visité les sites liés au génocide au Cambodge mais franchement, pour une première fois dans cette partie du monde, c'est à ne pas manquer, notamment pour mieux comprendre l'histoire et les cambodgiens. Parfois, dans le monde, on peut visiter d'anciennes prisons, comme Alcatraz, par exemple, à San Francisco, mais on n'y ressent absolument pas des émotions comme ce qu'on ressent en visitant la Prison S-21 ou les "killing fields", cela n'a rien à voir. On comprend après pourquoi la population est si jeune. Le quart de la population fut éliminé pendant le génocide. Aussi, si vous visitez ce pays, vous remarquerez peut-être que plusieurs personnes sont amputées d'un bras, d'une jambe... ou plus. Sachez que le Cambodge est l'un des pays ayant été affecté par le plus de mines anti-personnelles, en partie lâchées par l'armée américaine pendant la guerre du Vietnam. Le pays est toujours à combattre ce fléau et il subsiste toujours aujourd'hui, plusieurs engins explosifs dans le sol par endroits.
Mon chauffeur, ensuite, me fait faire un tour de ville pour me montrer les différents monuments importants, des musées, des statues dédiées aux personnages importants du Cambodge (dont le roi, qui semble fort apprécié ici), une jolie pagode... Je me fatigue rapidement et lui demande de me ramener à l'hôtel, même si j'ai payé pour plus. Il fait un soleil de plomb et j'ai besoin d'un peu de temps toute seule pour réfléchir à tout ce que je viens de voir.
"Food tour"
C'est ce soir-là que j'avais planifié une visite gourmande, question de me changer les idées et de ne pas ruminer trop longtemps. Je suis seule avec un jeune cambodgien qui va me faire naviguer à travers la cuisine de rue de Phnom Penh. J'ai adoré ma soirée. On a mangé des soupes, des saucisses grillées, des salades, du poisson frais entier (exquis), une trempette locale avec des légumes (apparemment, les touristes n'aiment pas cette trempette à base je crois de poisson fermenté, mais moi j'ai adoré), du dessert également. Certaines choses sont épicées, mais pas trop, franchement tout est très bon et très frais - mon guide sait exactement quoi manger (ou pas!). Ce que j'aime le plus? Nous visitons plusieurs endroits différents (on passe d'une zone à l'autre en tuk tuk) et... aucun occidental à l'horizon, nulle part. Alors, je me fais tellement regarder! Les gens sont curieux et ils posent des questions à mon guide, afin de comprendre ce que je fais là. Une dame ne comprend pas comment je peux être aussi bronzée et venir du Canada, elle trouve que je suis presque de la même couleur que le guide... Ils sourient, ils rient et me parlent, je ne comprends rien, mais j'adore ça. On mange sur des tabourets d'enfants sur la rue, le guide a 25 ans et me raconte sa vie à Phnom Penh, il est vraiment intéressant, un peu non-conventionnel car il ne veut pas se marier (du moins pas tout de suite) et c'est rare dans ce pays. De plus, son anglais est vraiment très bon, donc je comprends tout. À la toute fin, il se met à pleuvoir (fort, c'est encore la saison des pluies) - mon guide et moi aidons le couple propriétaire du kiosque où nous sommes à installer la bâche au-dessus de leur installation avec les autres clients. Inoubliable. En voyage, ces moments sont mes favoris. Parfois, je sais que je passe à côté de certains grands monuments dits incontournables. Personnellement, je pense que ce sont plutôt ce genre d'expériences imprévues qui me marquent et deviennent, mes incontournables.
Visite architecturale
C'est ici que pour moi, la barrière de la langue a pris son sens... j'ai réservé une visite architecturale auprès d'un organisme local. On offrait de voir l'architecture khmer, l'architecture coloniale française, ou encore un mélange des deux. J'ai demandé le mélange des deux, mais en rencontrant ma guide, elle pensait que j'avais réservé l'architecture khmer seulement et c'est tout ce qu'on a vu (elle n'a jamais compris quand j'ai tenté de lui expliquer le quiproquo)... Les bâtiments visités sont plus ou moins jolis (pour ne pas dire laids, à mon humble avis), ils font très "union soviétique" je dirais, peu de détails intéressants, des masses de ciment et ils sont mal entretenus. Ma guide est une architecte (très jeune) dont l'anglais est somme toute limité et elle paraissait très stressée - je suis cependant heureuse de voir une femme architecte car pour le Cambodge, c'est très impressionnant. Nous avons visité une université, le stade de sport (qualifié d'olympique là-bas) et vu une maison traditionnelle. Au-delà du fait que la beauté des structures était pour le moins discutable, l'intérêt pour moi a été, notamment, de voir les étudiants dans leur milieu de vie (les salles de classe semblent sortir d'un film des années 1960 et n'avoir jamais été rénovées... il y fait chaud et je compatis avec les étudiants qui y travaillent fort pour obtenir leur diplôme). Pour le stade, je vous suggère d'y aller par vous-même, en soirée. Il y a plusieurs kiosques de nourriture autour et les locaux y vont autant pour faire du sport (comme du zumba avec la musique à tue-tête) que pour y socialiser ou y avoir un rendez-vous amoureux. Vraiment beau à voir!
Se balader à Phnom Penh
Je vais être très honnête. Je n'étais pas à l'aise de me promener seule dans les rues de la ville, surtout le soir. Plusieurs femmes de l'endroit m'ont dit que ce n'était pas très sécuritaire - je prenais donc des tuk tuk pour me rendre d'un point à l'autre lorsque je souhaitais me déplacer. Pour moi qui ai l'habitude de marcher beaucoup, j'ai trouvé cela dérangeant. Pourtant, plusieurs femmes y voyagent seules et disent s'y sentir bien, donc c'est bien personnel à chacun(e). Pour ma dernière journée, j'ai tout de même marché un peu et me suis rendue à l'Institut français, endroit où sont offertes diverses activités, dont des cours de français bien sûr, et où a lieu présentement une exposition de photographies très intéressante. J'ai particulièrement apprécié les oeuvres de Lim Sokchanlina, un artiste cambodgien. L'institut abrite également un bistro (français évidemment), où j'ai très bien mangé. Le personnel parle quelques mots de français et cela faisait du bien à entendre. Dans une toute autre veine, j'ai également beaucoup aimé me balader à travers les allées du Marché central, d'architecture art déco, comportant de nombreux kiosques de souvenirs, mais également des étalages de fleurs et de nourriture fort colorés et animés.
Pour passer une agréable soirée
En soirée, il est intéressant d'aller voir un spectacle d'apsara, la danse traditionnelle cambodgienne. La troupe "Experience Cambodian Living Art" est l'une des meilleures au Cambodge et offre des performances tous les soirs au National Museum. La musique n'est pas pré-enregistrée, c'est un orchestre qui joue sur scène pendant le spectacle. J'ai bien aimé, c'est beau à voir, coloré et l'ensemble de l'audience, petits et grands, m'a paru apprécier le spectacle également.
Une autre belle façon de relaxer et de passer un agréable moment est de faire une petite croisière sur le fleuve Mékong, idéalement au coucher du soleil. C'est ce que j'ai fait de ma dernière soirée à Phnom Penh. Peu cher (plusieurs compagnies l'offrent pour environ 15$US tout au plus, comprenant breuvages sans alcool, la bière à volonté, ainsi qu'arachides et assiette de fruits frais - il est également possible d'avoir un repas complet à bord sur certains bateaux), bref, cela vaut la peine. Bien sûr, ce n'est pas très actif comme activité, mais on voit de beaux points de vue et personnellement, j'y ai parlé à des gens très intéressants.
Je n'ai pas pris beaucoup de photos dans la capitale. J'avais de la difficulté à trouver des prises de vues intéressantes (la belle architecture coloniale française est bien souvent cachée par un mur et des fils barbelés, malheureusement, et je ne suis pas encore à l'aise de photographier la pauvreté ou des gens dans leur vie quotidienne). Aussi, j'étais stressée et fatiguée car en plus d'être émue par ce que je visitais, de mal dormir et de ne pas me sentir bien seule en ville, j'ai dû courir après ma carte de crédit, pour finalement mettre la main dessus en me rendant en personne chez Fedex, après plusieurs soirées à appeler ma banque, que je ne nommerai pas, mais qui m'a offert un service exécrable après avoir eu une fraude sur ma carte de crédit en Indonésie. Bref, mon séjour n'a pas été optimal mais j'y retournerais (tout simplement pas seule, de préférence), d'autant qu'à la toute fin, je commençais à m'y sentir beaucoup plus confortable. J'ai rencontré une femme de mon âge de Calgary travaillant à Phnom Penh et elle m'a confirmé que c'était une ville à apprivoiser et qu'une fois cette étape franchie, on peut l'apprécier à sa juste valeur. Elle m'a raconté qu'elle même avait eu de la difficulté à s'adapter au début, malgré le fait qu'elle ait habité et voyager énormément à travers le monde et cela m'a rassurée de l'entendre.
Ma prochaine destination? Le Vietnam. À vrai dire, au moment d'écrire ces lignes, j'y suis déjà depuis une bonne dizaine de jours et j'adore ce pays, c'est un immense coup de coeur. Beau, sécuritaire, intéressant, la nourriture est délicieuse... bref, j'ai hâte de vous en parler plus!
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